Le sujet de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) a fait couler beaucoup d’encre et inspiré plus d’un chercheur dans les dernières années. En effet, on attend de plus en plus des entreprises qu’elles réfléchissent à leur responsabilité sociale et à leur empreinte écologique. On les invite dorénavant à prendre des engagements concrets à cet effet, voire à nous rendre des comptes. Et les attentes ne se limitent pas aux clients, loin de là. Une proportion grandissante d’employés et d’actionnaires se mobilise derrière la volonté de faire affaire avec des entreprises socialement responsables.
Oui, vous avez bien lu – d’actionnaires. Bien avant la pandémie qui sévit actuellement (lire : en juin 2019), le PDG de Dollorama s’est fait talonner par des actionnaires au sujet des mesures prises – plutôt non prises – par l’organisation pour réduire son empreinte écologique. On se souviendra aussi qu’à la surprise générale, le géant de la finance BlackRock a annoncé, en janvier cette année, un virage vert, qui inclut la décarbonisation de ses portefeuilles.
Face à la pression croissante des consommateurs et des communautés, de plus en plus d’entreprises se sont mises à publier des rapports de développement durable et à prendre des engagements en matière de RSE. Avec les bouleversements sociaux et économiques que l’on vit actuellement à l’échelle planétaire, l’importance accordée à la RSE n’est pas près de s’essouffler[1]…
Mais concrètement, la RSE… ça veut dire quoi?
Dans la stratégie de RSE adoptée par le Gouvernement du Canada, celui-ci la définit comme « les mesures volontaires prises par une entreprise pour mener ses activités d'une manière durable sur le plan économique, social et environnemental ».
La RSE est donc loin de se limiter à la dimension écologique. Une multitude de facteurs, dont plusieurs sont liés aux ressources humaines, sont à considérer au moment de définir une stratégie RSE.
Vous êtes employeur? Vous avez déjà un impact social positif majeur!
C’est vrai – les attentes envers les organisations en matière de responsabilité sociale sont de plus en plus élevées. Mais on oublie souvent de mentionner un détail important : en tant qu’employeur (en particulier si vous êtes une PME), vous créez des emplois.
Plus que jamais, alors que plusieurs d’entre nous se retrouvent sans travail ou dans l’impossibilité d’exercer leurs fonctions, on prend conscience de l’importance du travail dans notre équilibre personnel, dans notre construction identitaire – et même sociale. En tant qu’employeur, vous contribuez à générer du sens pour les membres de votre équipe et à augmenter leur sécurité financière ainsi que leur santé physique et mentale.
C’est déjà ça de pris, comme on dit.
Puis, tant qu’à avoir ce pouvoir social entre les mains… ne serait-il pas avisé d’en prendre conscience et d’y réfléchir, en prenant un pas de recul? Sans vouloir voler le punch, à La Talenterie… on en est convaincus.
L’impact social des programmes et pratiques RH
Bien qu’on entende parfois parler de la dimension des pratiques RH dans les stratégies RSE ou de développement durable, il est rare qu’on y accorde beaucoup d’importance ou que l’on creuse cette dimension.
Certes, certains outils d’accompagnement sur le sujet, comme la norme BNQ[2], considèrent l’aspect RH (conditions de travail, développement des compétences, relations de travail, équité à l’emploi et santé et sécurité au travail). Mais il n’en demeure pas moins que le sujet est escamoté, et pratiquement relégué au statut de liste à cocher… alors que les RH devraient être un pilier important de la stratégie RSE.
Or, on est loin du compte… Encore aujourd’hui, plusieurs organisations, comme en témoigne le Guide d’introduction au rapport sur le développement durable de l’ordre des comptables agréés (CPA), ignorent carrément cette dimension. Pourtant, il y a tellement à explorer!
Plusieurs études, dont celle menée par Nadia Handou Amadou dans le cadre de sa maîtrise en administration des affaires à l’UQTR, démontrent une corrélation claire entre les pratiques de GRH responsables et le succès des organisations qui les pratiquent. Dans son mémoire, Mme Handou Amadou conclut : « Les résultats nous permettent de conclure que les pratiques sociales, principalement les pratiques de GRH responsables […] permettent également de créer des facteurs propices à la motivation dont, la satisfaction des besoins des employés, le développement des compétences, l'autodétermination ». [3]
Du Ikigai au Ikigai RH
Pour certains, la responsabilité sociale de l’entreprise se limite à une liste de critères à cocher. Bien que les checklists puissent être très utiles pour se sentir efficace (je suis moi aussi une passionnée de la to-do), elles sont un peu… simplistes.
Comme c’est le cas lorsque l’on souhaite soigner notre culture d’entreprise ou générer de la mobilisation, rien ne sert de suivre un processus – ni de copier le voisin. Il n’est pas nécessaire, non plus, d’investir des sommes pharamineuses…
En fait, pour être un employeur socialement responsable et générer de la mobilisation, il faut construire à partir de ce que nous sommes déjà – ce qui nous rend unique.
…comme le prescrit l’Ikigai des Japonais.
L’Ikigai (qui signifie joie de vivre) est un concept utilisé par les Japonais pour trouver « sa raison d'être ». Le concept original combine 4 dimensions, présentées sous forme de diagramme de Venn :
Ce que j'aime
Ce pourquoi je suis doué
Ce qui génère des revenus
Ce dont le monde a besoin
Pour trouver « sa voie », l'individu doit chercher une occupation qui se trouve à la croisée de ces dimensions. Il doit trouver son Ikigai : sa raison d’être, à lui.
Appliqué aux ressources humaines, le concept peut aider à positionner l’ensemble des programmes et pratiques RH, et s’assurer que le tout soit en symbiose : directement lié à la nature et à la raison d’être de l’organisation, tout en considérant ses employés, et l’impact sur la société.
Il suffit de redéfinir légèrement 3 des 4 dimensions du IKIGAI :
Vous avez besoin d’un exemple concret?
Afin de mieux comprendre comment appliquer le modèle concrètement, je vous propose de prendre l’exemple d’une entreprise fictive, Meubles Éthos, et de l’analyser.
PROFIL DE MEUBLES ÉTHOS
Établie depuis près de 10 ans dans le quartier Rosemont à Montréal, Meubles Éthos fabrique des meubles sur mesure à partir de palettes de bois recyclées.
En croissance lente mais soutenue depuis sa fondation, l’entreprise embauche maintenant une trentaine d’employés, dont la moyenne d’âge se situe à 37 ans.
Ikigai de Meubles Éthos
Ce qui distique l’organisation :
Vie sociale bouillonnante au travail
Employés volontaires, dynamiques
Beaucoup d’initiatives émergentes
Grande créativité et engouement pour les projets
Ce que les employés valorisent :
Garder la forme et bien se nourrir
Le travail manuel
La collaboration
Un équilibre travail-vie
Ce qui est optimal d’un point de vue financier :
Peu de latitude pour investir davantage dans les conditions de travail
Volonté de garder les employés actuels engagés, et de minimiser le taux de roulement
Désir de créer des partenariats solides avec les clients, dont la serre Graine & Racine
Ce dont le monde a besoin :
Davantage de sécurité alimentaire
Développement des communautés et des initiatives locales
Réduction de l’empreinte carbone liée au transport
Plus de végétaux, pour absorber un maximum de CO2 dans nos villes
À la lumière de ces éléments, Meubles Éthos pourrait repenser son offre employeur de la manière suivante :
Installer un rack à vélo sur le terrain de l’entreprise, pour encourager le transport actif.
Permettre la semaine de travail compressée pour favoriser les longs weekends en famille.
Convertir une partie du généreux budget prévu pour les formations, utilisé par une poignée d’employés seulement, en budget pour la mise en place d’un service de télémédecine.
Bâtir, en collaboration avec les employés – et en utilisant les palettes et outils déjà à sa disposition – un jardin communautaire pour la période estivale. Les fruits et légumes et le matériel de jardinage pourraient même être achetés auprès de Graine & Racine, renforçant ainsi la relation d’affaires avec ce client.
Évidemment, il s’agit d’une représentation extrêmement simplifiée de la réalité complexe des organisations et de leur offre employeur. Dans la vraie vie, une multitude de facteurs sont à considérer, et les solutions envisageables sont pratiquement infinies. Aussi, il va sans dire qu’il serait irréaliste de vouloir placer chacun des programmes et chaque pratique RH à la croisée de ces quatre dimensions… L’idée est plutôt de s’assurer que l’offre employeur, dans son ensemble, tende vers le Ikigai RH – le plus possible.
Qu’en est-il de VOTRE Ikigai?
Et vous, si vous deviez analyser l’offre employeur, diriez-vous qu’elle se rapproche de votre IKIGAI RH?
Savez-vous ce qui vous distingue?
Êtes-vous au courant de ce que vos employés valorisent?
Êtes-vous conscient de la portée sociale que peuvent avoir vos pratiques RH?
Est-ce que votre allocation budgétaire au niveau de la rémunération, des avantages sociaux et des conditions de travail est optimale d’un point de vue financier?
Si vous souhaitez en discuter davantage pour mieux comprendre le concept et voir comment l’appliquer dans votre organisation, n’hésitez pas à planifier un appel de brainstorming gratuit avec nous!
[1] Il y a quelques semaines, BlackRock a d’ailleurs annoncé la mise sur pied du BlackRock Global Impact Fund, dont les objectifs de financement sont alignés avec ceux de l’ONU.
[2]BNQ9700-021, 2011, Développement durable : Guide d’application des principes dans la gestion des entreprises et des autres organisation
[3] HANDOU AMADOU, Nadia, 2015, LIENS ENTRE L'IMPLICATION DES PME SUR LA VOIE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET L'ENGAGEMENT DES RESSOURCES HUMAINES, UQTR
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